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Interview : L’impact des élections en France et dans le monde sur les marchés financiers

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En France, les élections législatives ont abouti à un parlement fragmenté avec trois blocs à peu près égaux. Comment cette situation d’impasse apparente pourrait-elle affecter la stabilité économique de la France ?

Le résultat des élections législatives ne permet pas d’envisager de majorité absolue ou relative avec suffisamment d’avance pour soutenir un gouvernement stable. Cette situation crée de l’attentisme. Les entreprises peuvent différer leurs investissements et les ménages leurs achats immobiliers. Cela peut donc peser sur l’activité économique à court terme mais les mesures les plus extrêmes ne semblent pas pouvoir être prises dans cette assemblée. On observe que la hausse des taux français reste mesurée, ce qui limite l’impact négatif, et que l’environnement économique est plutôt correct. La croissance a repris, et se situe autour de 1% sur un an, le chômage est au plus bas depuis près de 40 ans. Si une solution de gouvernement finit par être trouvée, la croissance devrait se maintenir à un niveau correct.   
 

Sur les marchés financiers, les actifs français et plus généralement européens ont connu un mois de juin volatil en raison du risque politique. À quoi faut-il désormais s’attendre, aussi bien sur les marchés actions que les marchés de taux ?

Les actifs français et européens ont assez peu réagi pour le moment. Pour cause, les marchés font, pour l’instant, le pari de l’incapacité d’agir. De fait, un gouvernement d’un des extrêmes a de très fortes chances d’être censuré : de potentielles mesures nocives pour l’économie et les marchés semblent peu probables. Néanmoins, le bruit actuel, notamment au sujet de mesures économiques potentiellement dispendieuses, peut générer de la volatilité à court terme. 

Un enjeu important concernera le budget de l’année 2025. Il pourrait exercer une forte influence sur les marchés financiers en cas de hausse de la dépense publique, ou sans réduction du déficit. Par ailleurs, l’absence de vote d’un budget pourrait entamer le crédit de la France, malgré les dispositions constitutionnelles parant ce risque. Les agences de notation ont déjà déclaré que l’instabilité politique était un facteur négatif pour la notation française. 

Concernant les actions en particulier, il existe des risques spécifiques pour les entreprises des secteurs qui évoluent dans un cadre réglementaire ou étatique assez fort, notamment le secteur de la finance ou des infrastructures par exemple. Il est donc nécessaire de bien les évaluer.   
 

La question des déficits publics est revenue au cœur de l’attention des marchés. Faut-il craindre une insoutenabilité de la dette publique française ?

Nous n’en sommes pas encore là. À date, à un peu plus de 110% du PIB, l’endettement public français est soutenable. Pour autant, il est nécessaire de réduire le déficit public, aujourd’hui à plus de 5%. Les institutions européennes imposent aux Etats membres que leur déficit ne dépasse pas 3% par an. Nous dépassons largement ce seuil, et ne pouvons plus bénéficier à présent de la suspension des sanctions qui était permise par le contexte de la pandémie. La situation est d’ailleurs surprenante : nous avons un déficit élevé, malgré un chômage bas. Le 21 juin dernier, la Commission européenne a ouvert une procédure de déficit excessif à l’encontre de la France. Dans le budget 2025, il faudra donc réduire le déficit annuel de 0,5% du PIB et continuer chaque année jusqu’au retour du déficit sous la barre des 3%. 

Le taux français peut-il s’envoler ? La BCE dispose d’outils pour aider un pays de la zone euro, pourvu que la politique économique de ce pays soit orthodoxe du point de vue de la Commission. Un désaccord entre la Commission et un pays pourrait donc exposer ce dernier aux attaques des marchés.


Avec le retour de travaillistes au pouvoir au Royaume-Uni, faut-il s’attendre à un changement en matière de politique économique ? Cela pourrait-il avoir une influence sur les marchés ?

La victoire des travaillistes au Royaume-Uni, avec Keir Starmer à leur tête, s’explique aussi par leur tournant politique par rapport à l’ère de Jeremy Corbyn. Starmer conserve une approche raisonnable et relativement pro-business : sa posture est moins radicale, ce qui pourrait atténuer les craintes liées à une possible instabilité économique. Le déficit budgétaire actuel du Royaume-Uni se situe à 3,8%, ce qui nécessite de prendre certaines mesures pour le réduire. Le nouveau gouvernement ne semble pas vouloir laisser filer le déficit. Par ailleurs, le Brexit a impacté le potentiel de croissance du pays, et il est possible que le nouveau gouvernement travaille à renforcer les relations avec l’Union européenne pour atténuer ces effets. Le contexte pourrait ainsi rester relativement favorable pour les marchés. Toutefois, la mise en œuvre des réformes et les négociations avec l’UE seront scrutées de près.


Aux États-Unis, la perspective d’un retour de Trump au pouvoir crée une certaine incertitude. À quoi faut-il s’attendre sur les marchés d’ici à novembre ? Quels secteurs économiques pourraient bénéficier ou souffrir le plus d’un éventuel retour de Trump à la présidence des États-Unis ? 

La perspective d’un retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis génère une incertitude. L’impact du premier débat a été significatif, les défaillances de Joe Biden augmentant la probabilité d’une victoire de Trump, ce qui a entraîné une hausse des taux d’intérêt. D’ici au mois de novembre, il est probable que les marchés adoptent une posture attentiste, scrutant chaque indice susceptible d’indiquer l’issue de l’élection. Parmi les mesures économiques évoquées par Donald Trump jusqu’à présent, on notera principalement l’augmentation des droits de douane à 60% contre la Chine. Bien qu’il soit peu probable qu’il revienne sur des initiatives comme l’IRA1 et le CHIPS Act2, il est certain qu’il accorderait moins d’efforts à la transition énergétique, ce qui pourrait favoriser les industries traditionnelles comme le pétrole et le gaz, tout en pénalisant les secteurs des énergies renouvelables. Le déficit budgétaire, avec une prévision du CBO3 à 7,0% pour 2024, demeure une question cruciale. Enfin se poserait éventuellement la question de l’indépendance de la Fed : on se souvient notamment des attaques passées de Trump relatives à la politique monétaire de Jerome Powell.


Comment les investisseurs devraient-ils ajuster leurs portefeuilles face à l’incertitude et aux risques politiques actuels dans ces trois grandes économies ?

Dans un contexte marqué par des incertitudes économiques, les investisseurs doivent adopter une approche flexible. Les signes mitigés sur la croissance américaine et la crise immobilière en Chine ajoutent à la complexité du paysage économique global. Les banques centrales, encore hésitantes sur la question de l’inflation, retardent la baisse des taux. Les marchés actions américains représentent plus de 60% du marché mondial et leur valorisation est élevée, tout comme les attentes de résultats pour les prochains trimestres, ce qui pourrait générer un risque en cas de déception sur les publications de résultats. Mais avec des taux plus élevés que sur les quinze dernières années, les investisseurs peuvent générer un rendement attractif en se tournant vers les obligations de haute qualité. Il reste donc intéressant de profiter des rendements actuels tout en étant prêt à ajuster les allocations en fonction des évolutions économiques et politiques.


    
Article rédigé en date du 11 juillet 2024. Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS. Ce document ne constitue ni une recommandation d’achat ou de vente, ni une incitation à l’investissement. 

(1) Inflation Reduction Act of 2022 : une loi américaine sur la réduction de l'inflation promulguée le 16 août 2022, dont le principal volet concerne le climat.

(2) Loi visant à relancer la production de semi-conducteurs sur le sol américain avec des subventions à hauteur de 52,7 milliards de dollars.

(3) Congressional Budget Office, qui occupe un rôle de conseil budgétaire en Amérique et établi les effets de la dette nationale américaine.

 

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