
27 mai 2025
Investissement : la défense fourbit ses armes
En mars dernier, le désaveu américain de l'alliance transatlantique mettait en évidence la vulnérabilité de la défense européenne. Mais avec la mobilisation politique sans pareille occasionnée par cet épisode, ce secteur devient une thématique d'investissement incontournable de long terme en Europe.
SOMMAIRE
Plus que l'IA, c'est la thématique du moment sur le Vieux continent. En février dernier, à la faveur d'une actualité qui voyait Donald Trump fouler aux pieds l'alliance atlantique, le secteur de la défense faisait un retour en grâce auprès des investisseurs. Sur fond de guerre en Ukraine, la vulnérabilité européenne subitement mise en lumière poussait Bruxelles à se mettre en ordre de bataille en dévoilant, début mars, un plan de 800 milliards d'euros sur quatre ans pour réarmer l'Europe. Dans la foulée, l'Allemagne annonçait vouloir consacrer dorénavant au moins 100 milliards d'euros par an pour la reconstitution de ses forces armées. Enfin, dans le même sens, en France, le gouvernement lançait, fin mars, un appel général à la mobilisation des acteurs économiques (communauté financière et épargnants).
Renforcer les BFR
Fort d'un soutien politique sans faille, le secteur de la défense européenne voit, depuis, ses perspectives de croissance considérablement renforcées. En France, selon la loi de programmation militaire 2024-2030, les dépenses dans ce domaine vont augmenter de 40 % pour atteindre 413 milliards d'euros sur la période. D'ici cinq ans, le budget consacré à la défense devrait ainsi représenter 3 % du PIB (contre 2,06 % aujourd'hui). Un engagement et un soutien financier porteur pour les grands noms du secteur qui profitent déjà en Bourse de l'aubaine. À l'instar de Thales qui affiche une hausse de plus de 80 % depuis le début de l'année ou encore Dassault Aviation qui s'adjuge une progression de près de 60 % sur la même période. Néanmoins, si les grands donneurs d'ordres que sont également Safran, Airbus, MBDA ou Naval Group sont déjà mobilisés, les sous-traitants dont ils dépendent - capitalistiquement bien moins solides - ne le sont pas encore.
Constituant la partie immergée du secteur, la base industrielle et technologique de défense (BITD) se compose en effet de 4 500 PME-ETI réparties en six secteurs : le terrestre, le naval, l'aérospatial militaire, l'électronique et la cybersécurité, l'armement et munitions ainsi que la logistique et la maintenance. Mais, quand elles ne sont pas endettées, ces entreprises ne disposent pas forcément de capitaux propres suffisants pour répondre à une brusque augmentation des cadences de production. D'autant plus logiquement que, souvent partagé entre le civil et militaire, leur chiffre d'affaires en matière de défense ne représente généralement qu'une portion congrue de leur activité - moins d'un quart en moyenne. Dès lors, pour être en capacité de faire face à des carnets de commandes qui vont progresser de près de 20 milliards d'euros d'ici 2030, elles doivent impérativement renforcer leurs besoins en fonds de roulement (BFR).
Participer à l'effort de défense
Une problématique pour le moins complexe puisque les sources de financement ne sont pas légions. Car, en l'état actuel, très peu de fonds sont aujourd'hui dédiés à cette thématique. Certes, depuis deux ans, plusieurs ETF spécialisés ont vu le jour. Mais, en majorité, ils sont sous-exposés aux entreprises européennes qui n'en excèdent pas 30 %. À l'exception notable du WisdomTree Europe Defence UCITS ETF, lancé début mars, qui est le premier totalement investi sur le secteur européen de la défense. En marge, si certains fonds existent déjà, soit ils ne sont pas accessibles aux particuliers, soit ils ne sont pas spécifiquement positionnés sur ce thème. Pour autant, l'appel d'air provoqué par la mobilisation des pouvoirs publics est de nature à combler rapidement ce vide et à voir émerger des produits dédiés dans les prochains mois. À l'instar d'Amundi qui va bientôt lancer un ETF spécialisé, d'autres acteurs ne devraient pas tarder à annoncer la commercialisation de leur fonds. Et pour que la boucle soit bouclée, fin mars, Bercy encourageait parallèlement la communauté financière (banques et assureurs) à développer l'offre de produits d'épargne dans ce sens que ce soit en assurance-vie, en PEA ou en PER.
En attendant la structuration de l'offre, le fonds Bpifrance Défense (annoncé le 20 mars dernier) est censé répondre aux besoins du secteur en facilitant l'accès à des sources de financement. Ouvert aux particuliers, celui-ci vise une collecte de 450 millions d'euros. Les intéressés pourront y souscrire (via des contrats d'assurance-vie ou des PER) à partir de 500 euros pour une durée minimum de cinq ans. Ayant pour objectif de flécher l'épargne des Français vers les secteurs de la défense et de la cybersécurité, ce fonds permettra ainsi d'investir dans des sociétés non cotées (ou private equity) dont l'activité sert les enjeux liés à la souveraineté nationale. De sorte que les particuliers pourront ainsi participer à l'effort de défense tout en profitant de la vague d'investissement à venir et des importantes retombées pour cette industrie. Enfin, autre catalyseur, sur le marché de la dette cette fois, Euronext annonçait récemment la création d'un nouveau segment dédié à la défense via trois indices thématiques. L'objectif, favoriser et accélérer l'émission d'obligations pour les entreprises du secteur et leur donner davantage de visibilité auprès des investisseurs.
ESG compatible
Thématique de long terme, bénéficiant d'une bonne visibilité… La défense profite donc d'un alignement des planètes. Malgré tout, une ombre subsiste au tableau : la défense est-elle ESG compatible ? La question est d'autant plus légitime que le secteur a, précisément, souffert ces dernières années de l'essor concomitant de la finance responsable et durable. Cette dernière est, en effet, souvent associée à une politique d'exclusion de certains secteurs dont celui de l'armement. Mais, en réalité, cela concerne essentiellement les armes dites "controversées" comme les mines antipersonnel, les bombes à sous-munitions ou encore les armes chimiques et bactériologiques, toutes interdites par des conventions internationales. Dans ce sens, pour évacuer la problématique d'un rapprochement théoriquement contre-nature, Euronext a récemment redéfinit l'acronyme ESG comme "Énergie, Sécurité et Géostratégie". Une pirouette sémantique, certes, mais qui en dit long sur l'engagement général à faciliter le financement du secteur. De quoi simplifier aussi la tâche des assureurs pour intégrer cette thématique dans leurs offres, tout en respectant la part de finance durable et responsable qu'ils doivent intégrer.
Nous restons en veille sur le sujet avec les assureurs, pour sélectionner et référencer les fonds qui seront les plus pertinents afin de vous offrir la possibilité d’investir sur cette thématique dans les mois qui viennent.
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